M. (2/2)
Sa mère me payait pour des cours de mathématiques que j'étais
supposé dispenser à son rejeton; mon génie d'alors apparaissait effectivement
plus complet, plus universel que celui de son fils auto-condamné aux
sections littéraires où d'ailleurs il s'ennuyait ferme, méprisant cette
foule d'acnéiques aux ambitions bien apprises de fonctionnaires des
lettres.
Enfermé dans sa chambre nous improvisions de cruels traits
que nous consignions sur des cahiers spirales et tranchants comme le
bistouri, caricaturant toute la gente pathétique qui nous dérangeait ô
combien.
Nous devions en même temps ravaler les cascades de fous
rires qui se présentaient à nous jusqu'à en arriver à des crampes dans
tout l'abdomen, ou à en devenir violet la gueule enfoncée dans
l'oreiller.
Dans les quelques moments de répit que nous nous
accordions au milieu de cette soufreuse production aujourd'hui sous
triple verrou, nous faisions le mur pour dépenser l'argent de ces cours
très particuliers avec quelques vieux saoulards au cabaret ou pour
aller déambuler dans les artères à la recherche d'un mauvais coup,
rentrant au petit matin, saouls de fatigue.
Je veux dire maintenant la chose suivante: La situation actuelle de
M., professeur de philosophie avec cuissages répétés sur son parterre
de lèvres admiratives et affolées, c'est bien grâce à moi et à ses 2
points en mathématiques ( sur 20 possibles) au Bac qu'il le doit.
Il
n'y a guère que sa mère pour voir les choses autrement: Cette robuste
walkyrie qui ne parle que de m'étrangler de ses mains et dont je
n'aurais jamais
dû accepter l'oseille.