M. (1/2)
La capacité première de M.,
celle de la recherche obsessionnelle du désequilibre de ses vis-à-vis,
soulevait les rires les plus sadiques comme les plus raffinés. Son
accélération du pied naissait là ou ne l'attendait plus, fustigeait le
pauvre drille commis aux sales besognes.
Ce grand échalas ne payait pas de mine. Dégingandé et toujours mal
accoutré, il avait comme nous tous, déserté les salles de cours pour
labourer les terrains de jeu erratiques que nous élisions au gré de nos
imaginations infinies. Nous étions capables de jouer sur un carré de 12
m2, dans les couloirs d'un bahut que nous barricadions des heures
entières, tenant le siège fièrement contre des zélés fonctionnaires de
l'éducation qui s'échinaient à conserver quelques apparences pourtant
belles et bien foutues.
Cet authentique méchant rajoutait de l'outrance là où n'en avions plus
besoin, et ça résonnait comme un geste gratuit, une don quichotterie de
potache qui trahissait les marques de lucidité désenchantées mais
réconciliées que nous tentions de masquer sous des casquettes
d'adolescents aux farces grotesques.
Les éclats de rire et les prouesses footbalistiques constituaient le but ultime de
nos journées lorsque d'autres suaient sur les mystères des menteuses
sagesses antiques ou du poids de l'attraction.
Les foules que nous drainions appréciaient à pleines bouffées le panache
de ce voyou fils de bourgeois qui ne goutait rien tant que d'amuser la
galerie jusqu'aux brisures; les récits que ces groupies entretenaient de nos frasques faisaient la
part belle aux vilenies de notre milieu de terrain que nous disputions
souvent, nous, pour sa propension ridicule à tirer la couverture à lui,
à s'entêter dans des percées individuelles lorsque nous poireautions à
l'autre bout, certes peinards tirant sur une tige ou encore caressant le genou
d'une admiratrice offerte entre 2 terribles dribbles.